Une église voilée

 

Comme vous avez pu le constater, en ce 5ème dimanche de carême qui ouvre la semaine dite « de la passion », notre église offre un visage austère et déconcertant : crucifix, statues et images de saints, à l’exception des tableaux du Chemin de Croix, sont recouverts d’un voile violet, opaque et sans aucune broderie. Revêtue de ses habits de deuil, l’Église se dispose à suivre Jésus pas à pas sur le chemin qui le conduira au Golgotha. Tel est le sens de la Semaine Sainte qui suivra: revivre les événements de la Passion du Seigneur jour par jour, puis heure par heure, jusqu’à la crucifixion, le Vendredi saint, date à laquelle le voile sera alors enlevé solennellement des crucifix.

Même le beau visage de la Vierge Marie, même la carrure de notre vigoureux Saint Joseph, sont ainsi voilés. Les cierges ont disparu aux aussi. Le culte des saints s’interrompt pour se concentrer sur Jésus seul, à l’heure où il s’avance vers sa Passion. Quant aux autels, ils sont également privés de toute décoration florale.

Rien ne saurait distraire de la pensée de la Passion du Christ. Si jusqu’ici le Carême a été le temps de la conversion et du renouvellement de la vie spirituelle, le temps de la Passion est spécialement consacré au souvenir des souffrances du Christ.

Le Vendredi saint, le crucifix voilé fera son entrée solennelle dans l’église. Il s’arrêtera par trois fois. Et à chacune de ces stations, le prêtre lèvera un côté du voile en chantant « Ecce lignum Crucis in quo salus mundi pependit »  — « Voici le bois qui a porté le salut du monde » — et les fidèles répondront « Venite adoremus » — « Venez, adorons-le ».

Ces mêmes stations seront parcourues à nouveau par le prêtre lors de la Vigile pascale. Non plus avec le Crucifix, mais avec le Cierge pascal. Aux mêmes stations, le prêtre s’arrêtera et chantera : « Lumière du Christ » et la foule répondra joyeusement : « Nous rendons grâce à Dieu ! » Au même instant les images et les statues seront alors dévoilées et illuminées à nouveau.

Telle est la grande liturgie de l’Église.  Et que dire de la « liturgie domestique », c’est-à-dire de la prière à la maison et en famille ? Pourquoi ne pas voiler les images qui entourent votre coin prière et l’illuminer à nouveau au retour de la Vigile pascale ?

Abbé Philippe de Maistre